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Qu’est-ce que la coopération augmentée ?

By 23 novembre 2021janvier 18th, 2022One Comment

Le concept de coopération augmentée est au coeur de l’approche de Teamtrust. Cet article en propose une introduction nourrie par quelques illustrations simples et intuitives. De quoi s’agit-il ? Quelle différence avec la coopération ordinaire ? 

Coopération augmentée vs coopération bridée 

Une façon simple d’introduire l’idée de coopération augmentée consiste à préciser ce qui s’y oppose : la coopération bridée. Bridée ? Par quoi ? Simplement par des manques, des lacunes, des défauts sur le plan humain qui affectent l’efficacité de la coopération. Des manques de confiance, de sens au travail, d’optimisme, d’épanouissement, de liberté d’initiative, de créativité, d’empathie, d’esprit critique, de justice, de stimulation, etc. Il y a bien des manières dont la coopération peut être en ce sens bridée. 

La coopération augmentée désigne donc, à l’inverse, des formes de coopération qui parviennent à mobiliser de façon significative les facultés les plus hautes de personnes au service d’un projet collectif. 

Aujourd’hui, la coopération bridée est encore la règle, mais une aube nouvelle se lève

La coopération peut être dite bridée lorsque la tonalité dominante au sein de l’entreprise est marquée par « le retrait et le repli » tels que décrits par le sociologue des organisations François Dupuy, qui enquête dans les entreprises depuis des décennies. 

Les travaux de nombreux observateurs patentés du monde des organisations, tels que M.Crozier, F.Dupuy, G.Hamel, P.Senge, ou C.Dejours permettent d’affirmer que la coopération augmentée n’est pas la chose du monde la plus répandue ! Ce qui signifie concrètement qu’un potentiel de coopération est littéralement gâché, alors même que les défis auxquels doivent répondre les organisations, en particulier les défis écologiques, exigeraient de développer la coopération augmentée.

Il n’y a pas lieu de s’étonner outre mesure de l’état actuel de la coopération. Le grand succès du management scientifique et le développement de la bureaucratie, de l’ère Fordiste, tout au long du XXème siècle ont reposé largement sur le fait d’organiser le travail, de chercher la performance en faisant fi de l’« aléa humain », de la bonne volonté des personnes qui travaillent. Ce paradigme managérial était adapté aux enjeux de l’époque, et malgré leurs défauts, ils ont incontestablement apporté de nombreux bénéfices. 

De nombreux signaux, largement perçus désormais, indiquent que nous sommes en train de passer à des nouvelles formes d’organisation. Mais comme tout changement d’ampleur, cela prend du temps. Les bonnes intentions, les bons sentiments ne suffisent pas à se prémunir contre les obstacles que l’émergence de la nouveauté ne manque pas soulever.

L’usage et la mobilisation des facultés sous-jacentes à la coopération augmentée ne s’automatisent pas. 

Au cours de ces dernières décennies, en partie sous l’impulsion de l’automatisation et la digitalisation, la nature du travail a beaucoup changé. La productivité de nos économies est de plus en plus dépendante de notre intelligence, sous toutes ses formes, et de moins en moins de notre force physique. Le travail est devenu moins physique, moins manuel, plus exigeant sur le plan nerveux car plus gourmand en intelligence, en besoin de coopération, d’interactions, de participations. Cela change profondément la question du management des personnes.

C’est un fait dont on parle peu mais, jusqu’à ce jour, malgré nos efforts, les avancées en sciences cognitives, les prouesses de l’intelligence artificielle, et une multitude d’autres innovations, nous ne sommes pas en mesure d’automatiser l’intelligence humaine. 

Ce point tout à fait simple à comprendre porte une conséquence profonde pour les managers : il ne convient plus, comme ce fut le cas au siècle passé, de chercher la performance en réduisant le plus possible la marge de liberté des acteurs de l’organisation. Tout l’enjeu est de parvenir à mobiliser la bonne volonté des acteurs afin qu’ils investissent leur intelligence sous toutes ses formes dans le bon fonctionnement du travail.  

Le renouvellement du problème managérial avait déjà été compris par Michel Crozier à la fin des années 80, dans l’Entreprise à l’écoute, dont les conclusions portaient sur l’observation pendant d’une centaine d’entreprises pionnières. Des entreprises qui avaient compris dès cette époque que l’innovation était devenue le facteur clé de succès à long terme, et que celle-ci dépendait largement de la ressource rare : l’intelligence humaine

En quoi  les manques de confiance, de sens, etc. brident-ils la coopération?

Depuis plusieurs décennies, les recherches menées dans différentes disciplines scientifiques, allant de l’économie comportementale à la psychologie positive, en passant par la sociologie des organisations, la psychodynamique du travail ou les neurosciences, etc., indiquent qu’une organisation capable de coopération augmentée sera plus performante, et plus épanouissante. Nous aurons l’occasion dans nos futurs articles d’illustrer cette affirmation de façon détaillée. Contentons-nous ici de quelques illustrations. 

Une entreprise qui bénéficie d’un haut niveau de confiance interpersonnelle peut être dite augmentée dans la mesure où elle peut se permettre moins de contrôles, et dispose de coûts de supervision minorés (R.Putnam). Une organisation emprunte de confiance, de relations de solidarité, bénéficiera davantage de comportements généreux, de spontanéité, qu’une organisation où la défiance règne. Une organisation où les personnes sont stimulées par un niveau de concurrence raisonnable, qui bénéfice d’un climat qui encourage les idées neuves, originales, l’expérimentations, la libre expression, a plus de chance de trouver des bonnes idées, de bénéficier de fertilisation croisée, d’être innovante qu’une organisation où l’environnement est peu stimulant et sans concurrence (P.Aghion). 

Une organisation où les salariés ont la conviction que l’action collective est bonne pour la société, et que leur action individuelle participe d’une œuvre collective bénéfique, aura une meilleure capacité de résistance aux épreuves (C.Dejours), disposera d’un meilleur engagement, et sera probablement davantage capable de réduire l’influence des biais cognitifs qui conduisent à tant de mauvaises décisions (O.Houdé), qu’une organisation dont l’action ne génère pas ces convictions.  

Dans une entreprise où les personnes expérimentent quotidiennement un niveau important de stress, où ils ont la tête dans le guidon, elles ont de grandes chances de fonctionner essentiellement avec ce que le prix Nobel d’économie D.Kahnenan a nommé le « système 1 » et de répéter les mêmes erreurs de façon systématique. Par ailleurs, le stress s’accompagne d’un déficit de créativité, et plus généralement de performances cognitives réduites, sans compter l’impact négatif sur la qualité de nos relations avec les autres. 

On pourrait multiplier les exemples. Répétons-le, les avancées en sciences cognitives, en économie, en psychologie positive, etc. donnent à penser qu’une organisation qui parvient à créer une forme de coopération augmentée bénéficiera comparativement d’une performance plus durable. Sans compter le fait qu’il y fait bon vivre.

Conclusion

Le bon sens et l’expérience, bien souvent, suffisent à nous convaincre du fait que la coopération augmentée est préférable à la forme de coopération la plus répandue, la coopération bridée. Pourtant, cela ne nous engage pas pour autant sur le chemin du changement. La crainte d’ouvrir la boîte de Pandore, de perdre le contrôle dans une situation déjà complexe, jouent sans doute un rôle dans la timidité des managers. Or, ces craintes ne sont pas fondées. Se mettre à l’écoute comporte en réalité peu de risques, bien au contraire.

La connaissance du facteur humain est loin d’être la chose la plus répandue dans le monde du travail. C’est peut-être une certaine lassitude ou résignation, un sentiment d’impuissance, qui nous conduit à nous contenter d’une situation qui défie le bon sens. Le changement, aux yeux de beaucoup, n’est pas pour maintenant ! 

Et pourtant, rien n’est moins sûr. Nous disposons de tous les moyens pour bâtir la connaissance du facteur humain indispensable au changement. Nulle révolution à faire, juste un petit pas. Commencer à écouter, à dialoguer, avec méthode, avec expertise. Le risque est dans le statu quo

Nous disposons d’une multitude de solutions, d’outils, pour intervenir sur le facteur humain. Mais ce qui fait défaut le plus souvent, c’est la connaissance de ce facteur, si bien que l’usage des outils n’est pas toujours efficace ni pertinent, et que les résultats des efforts entrepris sont difficiles à évaluer, ce qui étiole les bonnes volontés. 

Aujourd’hui, il est possible d’y remédier, et de mettre ainsi en place une forme d’écoute régulière et méthodique susceptible de maintenir ou de faire émerger une forme de coopération augmentée. C’est justement ce que nous proposons chez Teamtrust. 

 

Quelques questions :

  • Dans quelle mesure le facteur humain vous paraît-il important dans la réussite d’une organisation ?
  • Comment mobilise-t-on les facultés les plus hautes dans votre organisation ?
  • Comment appréhende-t-on l’état du facteur humain dans votre organisation ?

Quelques références :

  • Michel Crozier, L’entreprise à l’écoute.
  • Daniel Kahneman, Système 1, système 2, les deux vitesses de la pensée.
  • Olivier Houdé, L’intelligence.
  • Yann Algan, La fabrique de la défiance.
  • Robert Putnam, Bowling Alone.

 

Un article par Eric Lemaire