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L’intention de notre enquête sur le facteur humain ?

By 15 juin 2022No Comments

Dans ce bref article, nous proposons quelques précisions sur l’intention qui fut à l’origine de notre enquête sur le facteur humain. 

Les trois questions centrales

 

Les trois questions centrales de l’enquête étaient les suivantes : 

  1. Quelle est l’importance accordée au facteur humain dans la réussite d’une organisation, et quelles sont les justifications des acteurs ?  
  2. Comment le facteur humain est-il appréhendé au sein des organisations par les équipes dirigeantes ?  
  3. Quelles sont les motivations pour s’engager dans l’amélioration de l’état du facteur humain ?  

Intuitions de départ

Ces questions centrales recouvraient plusieurs intuitions, hypothèses et paradoxes qui ont largement contribué à motiver la mise ne place de cette enquête. Quelles sont les questions, les intuitions, dont nous sommes partis ? 

  • L’intuition de la montée en puissance du facteur humain : dans la durée, les discours tenus par les dirigeants, les coachs, managers, et autres utilisateurs de réseaux sociaux professionnels semblent indiquer une montée en puissance de thèmes comme ceux du « bien être » ou de « l’épanouissement » au travail, de « l’entreprise libérée », de la « Qualité de vie au travail » (QVT) etc., qui véhiculent tous l’idée que prendre soin du facteur humain est considéré comme décisif pour la performance d’une organisation. 

 

  • Paradoxe : pourtant, le niveau d’engagement des salariés français demeure très bas (7% d’après l’enquête Gallup 2021), en dépit du fait que ces derniers accordent une importance forte au travail, en comparaison de ce que peuvent déclarer les habitants d’autres pays européens. Ce qui suggère l’existence d’un écart encore important entre les discours tenus et la réalité vécue sur le terrain par les acteurs du monde du travail. Nous avons essayé de mesurer l’existence de cet écart.

 

  • Une première hypothèse : plusieurs chercheurs expérimentés (P.Bernoux, .F.Dupuy) insistent sur le fait que la connaissance de la réalité vécue par les salariés (connaissance du facteur humain) fait souvent défaut aux équipes dirigeantes. Ce défaut de compréhension du facteur humain serait à l’origine de mauvaises décisions ayant des effets délétères sur le quotidien des salariés, et serait fortement impliqué dans l’échec des transformations. Nous avons supposé que le défaut de connaissance pouvait se percevoir dans les pratiques d’écoute des collaborateurs.  

 

  • Une seconde hypothèse : Par ailleurs, selon F.Dupuy, ce défaut de connaissance du facteur humain serait fréquemment couplé à un manque de culture en matière de sciences humaines et sociales, susceptible d’éclairer les décideurs et de les aider à prendre du recul. L’ignorance des décideurs pourrait ainsi expliquer en partie pourquoi la connaissance du facteur humain fait souvent défaut. Mais les résultats de notre enquête rendent impossible de confirmer cette explication. En revanche, nos résultats permettent de nous faire une idée du niveau d’intelligence de la question du facteur humain chez les répondants (en particulier dirigeants et managers) lui accordant une grande importance. 

 

  • Une seconde hypothèse : en lisant les interventions des dirigeants, des coachs, managers, on a le sentiment que les motivations le plus souvent évoquées pour justifier l’engagement dans l’amélioration de l’état du facteur humain sont majoritairement utilitaristes et intéressées. Or, la question se pose de savoir si les motivations utilitaires et intéressées sont de bonnes motivations. Sont-elles susceptibles de favoriser la réussite des équipes dirigeantes qui s’engagent dans l’amélioration de l’état du facteur humain ? Nous y reviendrons. 

 

Pourquoi s’intéresser au facteur humain ? 

S’adapter aux évolutions du monde économiques

Certains pourraient considérer comme évident l’intérêt pour le facteur humain, si bien qu’il serait inutile d’en préciser les raisons. Ce n’est pas notre avis, même si dans le cadre de cet article,  nous devons être concis.  Selon nous, la question du facteur humain est cruciale à plusieurs titres. L’intelligence sous toutes ses formes est de plus en plus déterminante dans notre système économique; et cette évolution ne va faire que se renforcer au cours des prochaines décennies (voir Andrew Mc Afee, 2015,2017). Cela signifie que le facteur humain est de plus en plus important, malgré les avancées en matière d’intelligence artificielle. L’usage des facultés les plus hautes (créativité, empathie, esprit critique, etc.), dans bien des domaines, est plus essentiel que jamais.

Cette transformation du travail appelle une transformation du management, des compétences et connaissances des managers ; comme cela se produisit dans le passé, au moment en particulier de la seconde révolution industrielle. Nombre de observateurs et acteurs du monde de l’entreprise appelèrent alors à une amélioration du niveau de compétences des décideurs. Cela fut laborieux, et beaucoup parmi ceux qui connaissaient alors un certain succès ne crurent pas bon de se remettre en question. Les chiffres indiquent qui la rigidité d’esprit, l’excès de confiance en soi eurent un impact significatif sur la durée de vie des entreprises concernées. (cf, Mc Afee, 2017)

Le fait de ne pas être capable de remettre en question des recettes de succès dans un contexte nouveau qui exige de l’innovation managériale a même reçu un nom de la part des historiens de l’entreprise : la « malédiction du savoir » ou biais du statu quo ! (voir Mc Afee, 2017, p.26-30). 

Mobiliser le facteur humain pour faire face aux grands enjeux de la transition écologique

Il y a une seconde raison de s’intéresser au facteur humain. Au-delà de l’avènement d’une société de l’intelligence artificielle et de la robotique, nous devons faire face au défi urgent de la transition écologique. Comment diviser par trois l’empreinte écologique de la France (par presque deux pour l’ensemble de la Planète) en quelques années sans abandonner une large part des bienfaits que l’avènement d’une économie hautement productive avait rendu possible ? La seule certitude ici nous semble être qu’une large mobilisation des acteurs du monde du travail va être indispensable. Or, les entreprises françaises ne sont clairement pas à la hauteur du rôle historique qu’elles sont appelées à jouer, en dépit de l’inflation considérable des discours évoquant la responsabilité sociale des entreprises. L’épidémie de COVID-19 semble avoir accéléré la mobilisation générale. Reste à voir quels en seront les résultats. 

 

Quelques mots sur l’échantillon pour finir

 

Nous avons récolté 423 réponses provenant principalement de Linked In. L’échantillon ne peut donc pas être considéré comme représentatif de la population active. Quelques éléments pour illustrer ce point. 65% des répondants affirment avoir un niveau d’études équivalent à un master, ce qui est très au-dessus de la population générale. Près de 40% se disent managers, et près d’un quart sont dirigeants. Mais malgré tout, l’échantillon nous permet d’obtenir des résultats qui doivent d’être pris avec précaution, mais qui sont néanmoins capables de nourrir une discussion intéressante. 

Conclusion

Dans la suite, nous explorerons les données en nous fondant sur les trois questions importantes énoncées en ouverture. Nous passerons en revue les réponses en examinant les différences en fonction du genre, de la csp, du niveau hiérarchique ou de l’âge. Nous essaierons de voir si nos intuitions et hypothèses étaient fondées. Et enfin, quelques petites questions supplémentaires susceptibles de piquer la curiosité du lecteur seront abordées.

À suivre…

Éric Lemaire