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Introduction

Dans votre rôle de manager, vous est-il déjà arrivé d’obtenir l’inverse de ce que vous projetiez ? Avez-vous déjà été surpris par le fait que votre organisation réagissait à un changement de façon tout à fait inattendue, déconcertante, voire carrément absurde ? Comment, alors, avez-vous expliqué ces résultats ? Et comment votre façon de les expliquer a-t-elle conditionné votre propre réaction ? Comment la répétition ce genre de phénomène influence-t-elle votre façon de penser le changement, d’apprécier la capacité de votre organisation à coopérer, etc. ? En sociologie des organisations, les réactions inattendues et déconcertantes des organisations portent le nom d’ « effets contre-intuitifs ». Ils sont au coeur de la vie de nos organisations. Cet article propose de changer le regard sur ces phénomènes.

Quelques exemples d’effets contre-intuitifs

Nous avons à faire à un effet contre-intuitif lorsqu’en essayant d’éradiquer les abus des parents, la directrice d’une crèche décide de renforcer les contrôles et la coercition et finit par généraliser la tricherie. Nous avons à faire à un effet contre-intuitif lorsque quelques mois après le début d’une tentative de libération, les dirigeants en viennent à expliquer le fait que les collaborateurs ne semblent pas accepter le beau cadeau de la liberté et de l’épanouissement au travail en se disant que « Les gens n’aiment décidément pas le changement » ou que « la liberté n’est pas faite pour tout le monde » . On peut également penser au cas de la salle de bien être avec son lot de cours de yoga, de babyfoot, de smoothies et autres ps4, réalisée pour rendre les gens heureux et, in fine, l’entreprise plus performante, mais qui n’intéresse pas grand monde et rend les collaborateurs plus insatisfaits. Enfin, un dernier exemple d’effet contre-intuitif ; lorsqu’une entreprise de commerce voit son système de sélection des commerciaux faire fuir les meilleurs tandis que pendant des années le même système les a retenus. Pénétrons un peu plus loin dans notre sujet en zoomant sur le cas de la crèche.

Le projet de changement : digitaliser le calcul du temps de garde

Il y a quelques années, la directrice d’une crèche décida d’installer des badgeuses aux différentes entrées de son établissement. Le projet avaient deux objectifs identifiables. Le premier était d’automatiser le calcul du temps de garde exact pour chaque enfant et la facturation, ce qui devait permettre d’économiser un travail d’écriture et de transmission réalisé par le personnel de terrain, ainsi qu’un travail de calcul fait par une assistante de l’administration. Cependant, aucune réflexion véritable n’avait été menée pour savoir ce qu’il serait judicieux de faire du temps libéré.

Le second objectif était d’inciter fortement les parents à arriver à l’heure et de « réduire les abus ». Aux dires de la direction, le personnel s’était plaint des retards répétés de certains parents. Il fut décidé que les parents pointeraient en arrivant le matin et en sortant le soir. Tout retard supérieur à deux minutes était sanctionné par la facturation d’une heure complète de garde par enfant confié à l’établissement. A priori, ce projet visant à rendre l’organisation plus rationnelle et efficace paraît légitime et plein de bon sens.

La nature de la solution mise en place pour régler le problème des retards intempestifs présupposait implicitement qu’un rappel à l’ordre ou un échange entre adultes responsables n’aurait pas les effets escomptés. On présupposait que les parents n’étaient pas des gens raisonnables. La directrice évoquait « l’égoïsme, l’individualisme qui sévit dans notre société aujourd’hui ». Partant de ce point de vue, il est clair que la contrainte s’impose, et qu’il est inutile de justifier les décisions prises (ce qui risquerait de déclencher une discussion dont la directrice pense a priori qu’elle ne saurait aboutir à une solution raisonnable.) Aussi les badgeuses furent installées, et les nouvelles règles communiquées aux parents. Aucune justification ne fut donnée, comme s’il allait de soi de mettre en place ce système de contrôle.

Généralisation de la tricherie

Quelques semaines après la mise en place de ces nouvelles règles, on put constater quelque chose de tout à fait étrange et inattendu. Le changement qui devait réduire les abus des parents avait conduit à une tricherie quasi-générale de la part de ces derniers, avec la complicité silencieuse du personnel s’occupant des enfants. En effet, après quelques semaines, une large majorité de parents pointait le soir en arrivant et non en ressortant de l’établissement, ce qui leur permettait de dissimuler les retards à la sortie. Presque personne ne respectait la règle prescrite.

Comment expliquer ce phénomène ? Comment êtes-vous tentés d’expliquer cet effet ? Que vous dîtes-vous habituellement dans ce genre de situation ? On pourrait y voir une triste confirmation du point de vue de la directrice, et matière à indignation : « Les gens sont vraiment égoïstes. Ils ne respectent rien ni personne. Ils n’ont pas même le souci de la crèche qui accueille leurs enfants. Quelle honte ! » Si la directrice s’était aperçue de contamination de tricherie, il est probable qu’elle y aurait vu une bonne raison de renforcer davantage le système de contrôle afin de mater l’iniquité des parents. Et pourtant, cette interprétation de la situation, fondée sur des principes moraux pleins de bon sens, ne ferait qu’égarer davantage notre directrice. Pour comprendre, il faut entrer dans le concret, dans le quotidien des acteurs du système, et mettre entre parenthèse les jugements moraux et autres pseudo-explication que peut inspirer cette situation de prime abord.

Une question peut s’avérer particulièrement féconde ici pour celui qui veut comprendre quelle logique profonde se cache sous les apparences d’un défaut de moralité : quelles bonnes raisons les acteurs du système pourraient bien avoir pour se comporter comme ils le font ? Quel sens ont-il donné au dispositif mis en place ? Comment celui-ci a-t-il concrètement changer leur quotidien ?

L’explication de la réaction des parents

Les règles de pointage prescrites étaient faites pour contraindre les parents à se comporter de façon responsable, pour leur rappeler qu’ils ont le pouvoir d’être à l’heure et qu’ils doivent l’être, sous peine d’être sanctionnés. Dans cette crèche, comme cela a été mentionné, toute heure commencée de plus de deux minutes était facturée. Vous arrivez à 16h03, soit avec 3 minutes de retard, et vous payez une heure de plus. Pour certains parents, avec deux enfants, trois minutes de retard vous en coûtait deux heures de pénalités.

Ce qui est intéressant ici c’est de constater la déconnection totale entre les règles prescrites, l’intention qui y préside (responsabiliser) et les conditions dans lesquelles les règles doivent être appliquées. En essayant de responsabiliser les parents, les règles fixées les privaient, dans le cas habituel, du pouvoir d’être à l’heure en sortant. Pourquoi ? Pour le comprendre, il faut se plonger dans le concret. Que se passe-t-il quand les parents viennent chercher leurs enfants ?

La très grande majorité des parents fait un petit bilan de la journée avec le personnel qui peut prendre de deux à dix minutes selon les cas, les moments de la journée, etc : « la transmission ». Ce petit rituel est pour chaque parent un moment qui compte. Il permet aux nouveaux parents de limiter l’anxiété, la culpabilité même, liée au fait de confier son enfant (parfois âgé de moins trois mois ) à des inconnus. Ce rituel permet de prendre connaissance des progrès accomplis par l’enfant pendant la journée et de connaître un peu les personnes à qui vous confiez ce qui compte le plus au monde pour vous. Ces rituels sont aussi des moments très gratifiants pour le personnel car ce sont des occasions de le remercier, de le féliciter, bref de le valoriser. Ce sont des moments où en voyant la joie sur le visage des parents, le personnel saisit l’importance de son travail. En somme, ces petits rituels du soir ne sont négociables, ni pour les parents ni pour le personnel.

Or, le nouveau système de pointage menaçait directement l’existence de ce rituel. Habituellement, à l’heure de pointe, les parents arrivaient dans l’espace de garde et attendaient leur tour patiemment. En pratique, il était fréquent que plusieurs parents arrivent en même temps. Ce qui signifie que votre heure de sortie dépendait directement du nombre de personnes arrivées avant vous. Autrement dit, les parents pouvaient être responsables de leur heure d’arrivée à la crèche mais pas de leur heure de sortie. Même en arrivant avec dix minutes d’avance, les parents pouvaient ressortir en retard et être sanctionnés financièrement. En tenant compte de la réalité concrète, on voit que les nouvelles règles décidées par la directrice imposaient une responsabilité sans le pouvoir de l’assumer pleinement.

C’est pourquoi, les nouvelles règles, au-delà même du jugement implicite qu’elles véhiculaient, furent perçues comme injustes. En fait, le respect des nouvelles règles gâchait le rituel du soir, en le rapprochant davantage de l’attente à la caisse d’un supermarché. Les nouvelles règles tendaient à réduire la qualité du service rendu. À la lumière de ces éléments il n’est pas difficile de comprendre qu’entre respecter des règles injustes et conserver l’intégrité d’un moment d’échange essentiel, le choix fut vite fait. La généralisation de la tricherie a été le moyen trouvé par les acteurs pour préserver la qualité du service rendu par l’établissement. 

Au début, les parents avaient essayé de jouer le jeu. Mais lorsqu’ils se rendirent compte de l’injustice du changement, ils s’adaptèrent en trichant c’est-à-dire en pointant à leur arrivée plutôt qu’en sortant après avoir récupéré leur enfant. Aucun conciliabule n’eut lieu pour décider de la réponse à donner aux contraintes imposées par directrice. Juste quelques discussions de couloir, et l’observation mutuelle des comportements. Au début, on se cachait pour tricher, mais la confidentialité de cette attitude ne dura pas bien longtemps. Et bientôt, sans mots dires, tout le monde s’entendit pour se couvrir.

Le piège se referme sur la dirigeante

J’ai dit plus haut que la directrice ne s’était rendue compte de rien. Du point de vue de la directrice, connectée au terrain par les chiffres produits par la badgeuses, le changement était indéniablement un succès. La tricherie généralisée produisait des données « parfaites » ! Les abus avaient été vaincus, les tricheurs contraints à l’obéissance aux règles morales élémentaires. Les apparences semblaient justifier la directrice dans ses préjugés à l’égard des parents ainsi que la méthode utilisée pour régler le problème des abus. En fait, et ce point me semble particulièrement intéressant à méditer, elle avait contribué à créer un mode de fonctionnement dans lequel ses propres collaborateurs avaient intérêt à lui cacher la réalité pour préserver le sens de leur travail. 

Ce qui est très étonnant, ironique et parfois tragique, avec ce que l’un des grands représentants de l’école de Palo Alto, Paul Watzlawick, appelait les croyances auto-réalisatrices, c’est que non seulement vous contribuez à créer la réalité que vous déplorez, mais que, de surcroît, vous prenez cette « réalité » pour quelque chose d’indépendant qui vient valider votre croyance initiale. Autrement dit, vous vous piégez vous-même dans une illusion dont il difficile de sortir. Et ce d’autant que dans la situation qui nous occupe le personnel d’accueil, étant complice pour des raisons compréhensibles, n’a aucun intérêt ici à vendre la mèche et à détromper la directrice. Ici, il semble que la loyauté envers la directrice soit contraire à l’intérêt de l’organisation.

Prenez quelques instants pour vous poser une question. Quels effets, quelles habitudes, la répétition de ce genre de situation, pendant des mois et des années, contribue-t-elle à créer dans une organisation ? Un mode de direction totalement déconnectée du terrain, dans lequel les dirigeants dépensent une énergie folle à résoudre des problèmes portant sur une réalité qui leur échappe très largement. Ce qui n’empêche pas les organisations de fonctionner à peu près, et cela vaut aussi naturellement pour les entreprises. C’est simplement que l’organisation parvient à survivre en dépit d’un gâchis humain inouï. Ce qui est remarquable ici également, c’est que lorsque l’organisation fonctionne sur cette base, les dirigeants en sont réduits à des indicateurs quantitatifs et financiers pour évaluer la pertinence globale de leurs décisions, ce qui ne donne pas forcément, loin s’en faut, une idée précise de la santé de l’organisation. Les informations en provenance du terrain qui permettraient d’évaluer plus précisément la capacité de décision des dirigeants sont lacunaires et peu fiables.

Certains cherchent anxieusement l’organigramme idéal qui viendra résoudre les problèmes. Changer un organigramme sans connaître le système organisationnel concret revient à peu près à vouloir construire un avion sans prendre en compte les lois de la gravitation. Par ailleurs, le processus peut être particulièrement long comme j’ai pu le constater avec le directeur général d’une grande association caritative française qui s’efforça de trouver le « bon schéma ». L’hésitation, l’incertitude, jalonnent inévitablement ce genre de tentative, parce qu’on ne dispose alors d’aucun critère de correction fiable.

Une objection

On pourrait objecter ici, en invoquant certains principes moraux immuables et inviolables, que l’explication proposée n’excuse rien. On pourrait même lui reprocher d’être moralement laxiste. Et il arrive fréquemment que l’on se refuse à entrer dans un mode de raisonnement plus compréhensif en utilisant ce genre d’argument. Malheureusement, raisonner en s’arc-boutant sur la morale n’aide pas à faire avancer les choses, ni à redonner une capacité d’action qui ne soit pas fondée sur la contrainte. En pratique, l’usage que nous faisons de nos principes moraux conduit fréquemment à interdire l’empathie et la capacité à coopérer. Il est d’ailleurs assez étonnant de voir que même ceux qui se présentent comme d’ardents défenseurs de l’empathie et de la coopération (j’ai en tête certains militants et autres membres d’organisation humanitaires par exemple) tombent généralement dans ce piège.

Toute la difficulté ici pour sortir du piège des effets contre-intuitifs réside à pouvoir prendre du recul par rapport à des croyances qui nous paraissent évidentes, or cela est diablement difficile pour les managers dont la profession, comme le montrent les observations (Mintzberg, 90, chapitre 2 : La profession de manager), consiste à fonctionner sur un mode intuitif et à laisser peu de place à la réflexion. Or, comme y insiste le prix Nobel d’économie D.Kahneman, le mode de raisonnement intuitif est certes rapide, économe et efficace mais il est aveugle à ses propres erreurs, ce que seule la réflexion et la prise de recule peuvent lui révéler.

Qu’en est-il du côté des collaborateurs ?

Dans la situation décrite, l’ajustement opéré par le personnel, de concert avec les parents, permet de maintenir la qualité de service. Toutefois, la répétition du mode de décision et l’acceptation par les collaborateurs de la stratégie de l’ajustement silencieux peut les placer dans une situation déconcertante, voire absurde. En renonçant en effet à porter la discussion sur le mode de décision, ils se condamnent à subir des décisions mal informées et à devoir opérer tant que faire se peut les ajustements qui évitent que la situation ne se dégrade. Bien souvent ce type d’ajustement semble se faire sans qu’il soit accompagné d’une conscience claire du fait qu’il contribue à prêter son concours un mode de fonctionnement que l’on déplore et qui peut s’avérer très usant. 

Et à force de subir des décisions qui ne leur facilitent pas la vie, ils en viennent parfois à postuler que les décideurs sont mal intentionnés à leur égard. Cela peut évidemment être le cas, mais ce n’est pas forcément la règle. Le concept d’effet contre-intuitif nous dit qu’une intention, si bonne soit-elle, peut engendrer des effets non souhaitables. Ce qui signifie que les décisions subies par les collaborateurs peuvent parfaitement partir d’une intention qu’ils pourraient juger bonne. Ne dit-on pas que l’enfer est pavé de bonnes intentions ?

Une conception de l’organisation et du pouvoir erronée mais très répandue peut aggraver la situation. En effet, il n’est pas rare que dans ce type de situation, les collaborateurs estiment ne rien pouvoir faire en raison du fait qu’ils n’ont pas le pouvoir, comme si le pouvoir était quelque chose que l’on posséde en propre. Or, les travaux de Michel Crozier (L’acteur et le système, 1977, Le phénomène bureaucratique, 1963) et de nombreux autres ont montré depuis des décennies qu’il s’agit d’un mythe. L’image d’une organisation dans laquelle le pouvoir est entièrement concentré entre les mains d’une poignée de personnes qui la dirigent est erronée. L’expérience montre qu’aucun membre d’une organisation, si contraignante soit-elle, n’est pas jamais totalement dépourvu de pouvoir, nonobstant la conviction contraire.

Retour sur le mode d’explication ordinaire des effets contre-intuitif

Il est fondamental de comprendre que ce qui pose problème avec les effets contre-intuitifs ce sont les modes d’explication que nous avons tendance à adopter spontanément. En pratique, devant ce type de phénomène, il est fréquent d’entendre des réflexions comme les suivantes :

  • « L’homme n’aime pas le changement. »

  • « L’homme est naturellement égoïste. »

  • « Tout le monde n’est pas fait pour la liberté. »

  • « Si l’Homme peut échapper aux règles, il le fera car c’est sa nature qui le veut. »

  • « Telle personne ne réussit pas dans son rôle car elle ne possède pas les qualité d’un leader. »

  • « C’est un problème lié à la génération Y ou Z. »

  • etc.

Ce qui remarquable avec ce type d’explication c’est qu’elles sont toujours utilisées a priori, c’est-à-dire sans enquête préalable auprès des acteurs concernés pour comprendre les raisons de leur comportement. Autrement dit, nous faisons l’économie d’une enquête sur ce qui se produit vraiment dans l’organisation. Notre mode d’explication spontané est également parcimonieux : unifactorielle et déterministe ; nous faisons appel à une cause unique censée tout expliquer. Enfin, l’explication fait souvent référence à quelque chose de profondément ancré (stéréotype générationnel, nature humaine, trait de personnalité), de très général, de permanent.

Le problème avec ces explications réside dans le fait qu’elle sont infécondes : une fois énoncée, la réflexion s’arrête. Par ailleurs en faisant appel à des qualités profondément ancrées et très influentes, il devient difficile d’envisager le changement autrement que sous la forme de la contrainte, de la manipulation, ou de la résignation à son impossibilité. La coopération entre personnes raisonnables est interdite.

Il ne s’agit pas de dire que les traits de personnalités, les stéréotypes générationnels n’ont aucun pertinence pour l’explication des effets contre-intuitifs, mais de considérer que ces explications ne peuvent au mieux avoir qu’un rôle d’hypothèse à tester empiriquement via une enquête qui fait généralement défaut. Cela étant dit, la sociologie des organisations a montré que les relations de pouvoir entre acteurs, les contraintes, les enjeux, ont davantage d’influence sur le comportement des acteurs que leurs valeurs, leurs traits de personnalité, ou leur appartenance à une génération donnée.

Conclusion

En l’absence d’une vue d’ensemble partagée des mécanismes et autres cercles vicieux qui caractérisent le fonctionnement de l’organisation qui permettra à chaque acteur de comprendre quel soutien, involontaire mais néanmoins bien réelle, il apporte aux dysfonctionnements, un changement positif a peu de chance de se produire et le gâchis d’intelligence collective d’être réduit.

Cette comédie humaine est parfois comique, et elle pourrait d’ailleurs prêter à faire rire, si nous étions pas dans une situation qui exige des organisations une capacité à relever des enjeux très difficiles comme celui de la transition écologique. Ces situations ne renvoient pas au destin, à la fatalité, elles résultent probablement d’un défaut combiné de volonté et d’intelligence du fonctionnement des organisations qui a tout pour étonner alors que partout la prétention à mettre l’Homme au centre s’affiche sans modération. Les dirigeants, qui exercent un métier très difficile, et passent comme le montre les observations, un temps substantiels à « répondre à des perturbations très contraignantes » ont un rôle central ici (Mintzberg, 90, chapitre 2). Il y a un peu plus d’un demi-siècle, Michel Crozier écrivait en ouverte du Phénomène bureaucratique cette phase qui a toujours son actualité à notre époque où tant d’intelligence et de capitaux sont investis pour créer des innovations technologiques :

« On trouve naturel de dépenser des sommes considérables en recherche-développement quand il s’agit de matériaux et de processus physiques. Mais quand il s’agit de la plus précieuse des matières, la matière humaine, et des plus délicats des processus, les processus d’interrelations entre les hommes, on refuse de gouverner autrement qu’avec des principes simplistes dignes de la phlogistique. »

 

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Eric Lemaire