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Introduction

Disposer de beaux tableaux de bord, nourris par des indicateurs pertinents, mis à jour régulièrement, est certainement une chose désirable pour prendre des décisions éclairées. Toutefois, est-ce suffisant ? Suffit-il d’avoir accès à l’information pour prendre des décisions intelligentes, justes, efficaces ? Pas si sûr ! En effet, depuis quelques décennies, des chercheurs ont minutieusement étudié la façons de nous raisonnons et prenons des décisions.

Et il s’avère que notre esprit est influencé par de nombreux biais cognitifs, ce qui nous conduit parfois à des très mauvaises décisions. C’est pourquoi, en intelligence d’affaires ou Business Intelligence, il est opportun de tenir compte de ces biais pour s’efforcer d’en déjouer l’influence potentiellement néfaste. À l’avenir, nous présenterons plusieurs biais spécifiques dans des contenus dédiés ainsi que les principes qui peuvent être mise en oeuvre pour en limiter l’influence néfaste.

Dans cet article, nous proposons simplement une introduction à cette notion et à son intérêt pour l’intelligence d’affaires en général, pas seulement RH.

Définition des biais cognitifs

Les biais cognitifs façons de raisonner, percevoir, décider qui sont comme la forme de notre esprit, ou pourrait-on dire, sa pente naturelle. Aussi, nous ne sommes à proprement parler pas conscients de nos biais, du moins tant que nous n’avons pas essayer de comprendre ce qu’ils sont et que nous n’avons pas pris le temps de réfléchir à certaines de nos décisions, à certains de nos raisonnements pour en déceler la trace.

Le domaine des biais cognitifs est vaste. En voici une liste non exhaustive : sélection et traitement de l’information, planification, influence du groupe sur nos opinions, excès de confiance en soi, ouverture au point de vue d’autrui, précipitation ou inertie dans la prise de décision, rapport à la perte, modulation de l’engagement, etc.

La plupart du temps, les biais cognitifs sont abordés sous l’angle des erreurs qu’ils nous font commettre. On insiste alors sur le fait que leur fonctionnement nous éloignent du bon usage de la raison. Si l’on veut nuancer un peu les choses, on peut dire qu’ils sont des raccourcis mentaux, des schémas de pensée automatiques qui constituent la façon dont nous percevons et interprétons le monde.

Ils ne constituent pas en eux-mêmes un problème. En réalité, ils nous permettent de filtrer, juger, percevoir, rapidement et d’effectuer de nombreuses tâches de façon automatique, sans mobiliser notre attention. Mais, il y a des situations qui recouvrent une certaine complexité, ou qui sont nouvelles, et qui ne peuvent être traitées de façon automatique, c’est-à-dire en comptant uniquement sur nos biais. Autrement, dans de nombreuses situations le fait que notre esprit soit biaisé est plutôt utile et efficace, mais il arrive que nous devions nous affranchir de nos biais pour aborder ces situations complexes autrement. Sans quoi, nous commettons parfois de terribles erreurs.

Typologie des biais cognitifs

Il existe plusieurs classifications des biais cognitifs. Il serait long et fastidieux de les énumérer tous ici. Notre objectif est davantage de proposer une brève introduction. Aussi, nous nous contenterons pour le moment de présenter succinctement cinq biais particulièrement importants.

  1. L’effet de halo : c’est un biais cognitif qui nous conduit à développer une impression générale sur une personnes, un produit, une entreprise, etc. en nous fondant uniquement sur quelques traits et informations disponibles et frappantes. C’est une sorte de généralisation abusive. Une façon simple de percevoir l’influence de biais est la suivante : penser à un politique que vous n’appréciez pas. La question est alors : lorsque vous l’écoutez parler, n’avez-vous pas tendance à estimer faux, stupide, erroné, scandaleux, absurde ce qu’il affirme alors même que vous n’avez pas pris le temps d’examiner attentivement et avec recul les idées défendues ?
  2. La pensée de groupe : ce biais consiste dans le fait qu’un groupe privilégie l’harmonie et la cohésion aux dépens d’une évaluation critique des idées ou des décisions. Dans ce contexte, les membres du groupe sont souvent plus enclins à rechercher un consensus plutôt qu’à exprimer des opinions divergentes ou à remettre en question les hypothèses du groupe. Cela peut conduire à des décisions de groupe irréfléchies, à une absence de créativité et à une sous-estimation des risques potentiels.
  3. Biais d’inertie : également connu sous le nom de biais de statu quo, se réfère à la tendance des individus à préférer maintenir les choses telles qu’elles sont ou à éviter le changement, même lorsque ce changement pourrait être bénéfique. Ce biais peut se manifester dans divers contextes, tels que les décisions financières, les choix de consommation ou les processus organisationnels. Les personnes souffrant de ce biais ont tendance à opter pour les options par défaut ou à rester fidèles à leurs décisions précédentes, même si des alternatives plus avantageuses sont disponibles.
  4. Biais de confirmation : fait référence à la tendance naturelle des individus à rechercher, interpréter et se rappeler sélectivement les informations qui confirment leurs croyances ou leurs hypothèses préexistantes, tout en ignorant ou en minimisant les informations qui contredisent ces croyances. Ce biais peut influencer la façon dont les gens recueillent des données, interprètent des événements et prennent des décisions. Il peut conduire à une vision biaisée de la réalité et à des conclusions erronées. En business intelligence, cela peut entraîner une interprétation sélective des données, conduisant à des décisions basées sur des préjugés plutôt que sur des faits objectifs.
  5. Le biais du champion : également connu sous le nom de biais du favori, il se produit lorsque quelqu’un, souvent un décideur ou un leader, favorise une idée, un produit ou une solution qu’il soutient ou qu’il a lui-même proposé, même si cette option n’est pas nécessairement la meilleure ou la plus adaptée à la situation. En conséquence, d’autres alternatives peuvent être ignorées ou négligées.

Lutter contre l’influence des biais en business intelligence : est-ce utile ?

Dans le domaine de la business intelligence, les décisions sont prises en fonction de données, de modèles prédictifs, etc. Mais le fait de disposer ou même de s’appuyer sur des données ou des modèles de machine learning ne garantit pas à lui seul que la part humaine du travail de décision soit faite correctement. Et le temps où l’IA pourra raisonner et décider à notre place, à supposer que cela soit possible et souhaitable, n’est pas encore venue, loin s’en faut ! C’est pourquoi, lutter contre l’influence des biais cognitifs est essentiel pour garantir des décisions de qualité. Voici quelques exemples de types de mauvaises décisions biaisées :

1. Recrutement biaisé : Lorsqu’un recruteur favorise un candidat en raison de similarités personnelles plutôt que de compétences objectives, cela peut entraîner une mauvaise adéquation entre le candidat et le poste, ce qui peut nuire à la performance de l’entreprise.

2. Investissement excessif dans un projet : Si un leader est trop attaché à une idée ou à un projet qu’il a lui-même proposé (biais du champion), il pourrait ignorer les signaux d’alerte ou les avis contraires et persister dans une direction qui n’est pas viable sur le plan financier ou stratégique.

3. Échec de l’innovation : Le groupthink peut conduire à un manque de diversité d’opinions au sein d’une équipe, ce qui peut aboutir à une acceptation trop rapide d’une idée sans en évaluer correctement les risques ou les alternatives. Cela peut entraîner des produits ou des services qui ne répondent pas aux besoins du marché.

4. Rétention des employés : Si les dirigeants ignorent les signaux de mécontentement des employés (biais d’inertie) ou ne prennent pas au sérieux les problèmes de culture d’entreprise, cela peut conduire à une perte de talents et à une détérioration de l’expérience employé, ce qui nuit à la réputation de l’entreprise.

5. Prise de décision stratégique : Le biais de confirmation peut conduire les dirigeants à rechercher uniquement des informations qui confirment leurs croyances préexistantes, les empêchant ainsi de considérer de manière objective toutes les données disponibles lors de la prise de décisions stratégiques, ce qui peut entraîner des stratégies inefficaces ou mal avisées.

À l’aune de ces quelques éléments, on peut aisément comprendre dans quelle mesure il est utile de s’intéresser à la question des biais cognitifs pour développer des pratiques d’intelligence d’affaires plus éclairées, plus rationnelles.

Conclusion

Comme vous pouvez le constatez à partir des quelques exemples biais cognitifs présentés, leur domaine d’influence est vaste et concerne des raisonnements et décisions potentiellement très importantes. La première étape pour élaborer une pratique de l’intelligence d’affaire éclairée consiste évidemment à comprendre la nature de ces biais et les conséquences qu’ils peuvent avoir sur le fonctionnement de votre entreprise. Cette première étape franchie, il vous faudra réfléchir aux principes, méthodes, stratégies, routines, etc. à mettre en oeuvre pour contrer leur influence et mieux rationaliser les processus de décisions. Ce sera le sujet d’un projet article.

Sources :

1. Kahneman, D., & Tversky, A. (1974). Judgment under uncertainty: Heuristics and biases. Science, 185(4157), 1124-1131.
2. Tversky, A., & Kahneman, D. (1973). Availability: A heuristic for judging frequency and probability. Cognitive psychology, 5(2), 207-232.
3. Slovic, P., Fischhoff, B., & Lichtenstein, S. (1977). Behavioral decision theory perspectives on risk and safety. Acta psychologica, 47(2), 131-152.
4. Gilovich, T., Griffin, D., & Kahneman, D. (Eds.). (2002). Heuristics and biases: The psychology of intuitive judgment. Cambridge University Press.