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Cas d’usage 1 : exemple d’un apport d’analyse de données pour sortir de la crise

By 2 février 2022février 8th, 2022No Comments

Le contexte de départ : deux enjeux pour la direction

 

Ces derniers mois, nous avons opéré dans une organisation fortement exposée aux conséquences de l’épidémie, avec une importante baisse de son activité. Nous leur avons proposé de recourir à notre baromètre Teamtrust, afin d’évaluer la situation des collaborateurs à l’égard de nos cinq piliers. Dans ce contexte difficile. Notre interlocuteur principal était le directeur général. Parfaitement conscient du caractère délicat de la situation, ce dernier n’avait pas reculé devant la perspective de résultats décevants. Comme nous allons le voir, face à l’amertume et la crise, l’enjeu pouvait être résumé comme suit : “comprendre pour fédérer !”.  

Un certain esprit pragmatique, tourné vers l’expérimentation et l’écoute en matière de ressources humaines, présidait initialement : 

« Nous savons que la situation est compliquée. Nous ne nous attendons pas à des résultats extraordinaires. Mais nous savons aussi que devant nous se trouvent des jours meilleurs. Nous voulons savoir d’où nous partons. Ainsi, dans les mois et années à venir nous serons capables de mesurer nos progrès et évaluer les résultats que nos actions auront permis d’obtenir. » 

Après la volonté de savoir où les équipes en étaient, il y avait un second enjeu aux yeux de la direction. Pendant plusieurs années, disposant de marges de manœuvre serrées, elle s’était efforcée de clarifier et de partager un projet d’entreprise qu’elle estimait fédérateur. En sortie de crise, le moment était venu de voir si les fruits de ces efforts pouvaient être récoltés. “Sommes-nous capables de nous mobiliser en sortie de crise en nous appuyant sur le projet de l’entreprise ?”. 

La direction sentait aussi que quelque chose ne tournait pas rond. Des tensions, de l’amertume pointaient le bout de leur nez. Rien d’étonnant dans une situation critique, incertaine, avec un passé mouvementé. La situation, pensait-on naturellement devait bien susciter quelques craintes pour l’avenir de l’emploi. 

Voyant poindre une possible sortie de crise à l’horizon de quelques semaines, la direction réfléchissait à une opération de communication interne basée sur le projet d’entreprise, jugé fédérateur, pour mobiliser les équipes. Elle s’efforçait également depuis quelque temps de rassurer les salariés quant à leur avenir. 

 

Comprendre les raisons du manque de confiance et du mal être 

 

Le sondage et l’analyse des réponses apportèrent plusieurs contributions permettant d’éclairer la situation et de réviser les options envisagées initialement par l’équipe dirigeante.  

La première contribution porta sur la confiance entre la direction et les équipes. La confiance est essentielle dans les relations humaines au travail. Lorsque la confiance à l’égard de la direction est faible, l’un des dysfonctionnements possibles est lié à la communication. La communication émanant de la direction suscite alors des soupçons, des spéculations plus ou moins charitables. “Que nous cachent-ils ? Quelles idées ont-ils derrière la tête ?”. Les trous sont comblés par l’imagination. Lorsque la confiance est là, nous ne ressentons pas systématiquement le besoin d’interpréter les messages reçus, de douter de ce qui est dit. Lorsque un biais de méfiance existe, la communication aura tendance manquer d’efficacité. 

Notre sondage a mis en évidence un niveau de confiance à l’égard de la direction relativement bas. Nous avons également pu identifier que le manque de confiance ne concernait pas tous les collaborateurs. Certaines parties de l’organisation seulement étaient touchées, des parties se sentant par ailleurs moins épanouies à maintes égards dans leur travail.  

Enfin, il apparut de façon surprenante que les craintes pour l’avenir des emplois n’étaient probablement pas la raison du malaise, des tensions. Rien ne servait donc d’engager un plan de communication visant à rassurer sur ce point. En examinant d’autres variables du sondage, plusieurs pistes d’explication intéressantes se dégagèrent. Il devenait possible d’aller tester ces pistes avec un échantillon de la population concernée, en lieu et place de la perspective d’un plan de communication s’adressant à tous pour rassurer sur un sujet ne suscitant que peu d’inquiétudes. 

Le manque de confiance qui s’exprimait dans les données rendait également difficile une mobilisation de sortie de crise fondée sur le projet de l’entreprise. De surcroît, les analyses ont montré que le projet de l’entreprise n’était probablement pas suffisamment connu et ne suscitait pas l’adhésion indispensable pour une mobilisation. Si ce projet devait servir de levier de mobilisation à l’avenir, il fallait commencer par essayer de comprendre pourquoi la connaissance et l’adhésion (entre autres choses) n’étaient pas au rendez-vous. 

Quelles opportunités derrière la mise en lumière des dysfonctionnements? 

 

Comme le montre ce bref résumé qui n’épuise pas la richesse de ce cas, la mesure et l’analyse du facteur humain dans cette entreprise ont permis d’éviter certaines initiatives qui auraient peut-être aggravé les choses. Il convient d’ajouter que les rituels de proximité, la culture de proximité existante, n’avait pas permis d’aboutir à une compréhension juste de la situation. Cela ne signifie pas qu’une culture de proximité n’est pas souhaitable. Bien au contraire. Mais cela montre qu’il peut exister une complémentarité réelle entre une culture de proximité et des pratiques de mesure via des sondages. Dans un contexte de faible confiance, comment les tentatives de réassurance par rapport à l’avenir des emplois auraient-elles été reçues, alors qu’elles n’étaient pas le sujet ?  

Par ailleurs, on peut se demander quels coûts cachés auraient induits ces louables efforts de communication ? Un peu de réflexion montre qu’entre :  

  • Les échanges au sein du comité de direction,  
  • ceux au sein de la cellule RH et de la communication interne,  
  • les temps consacrés par les acteurs participant au déploiement,  
  • et le temps de ceux qui, objets de la communication, doivent consacrer quelques minutes de leur attention pour recevoir la communication…, 

des dizaines d’heures de travail auraient été nécessaires pour mettre un place un plan qui se serait avéré finalement inefficace. 

La même chose peut être dite à l’égard des actions envisagées pour mobiliser autour du projet de l’entreprise. Dans les deux cas, on agit sur la base de données insuffisantes et sans moyen d’évaluer les actions mises en œuvre. 

À court terme, l’analyse des résultats a non seulement permis d’éviter des coûts cachés, mais elle aussi permis d’identifier plus précisément les équipes avec qui aller dialoguer pour sortir du malaise. Dans une perspective de plus long terme, elle a enfin ouvert de nouvelles pistes pour réviser le projet d’entreprise et en faire un véritable levier de mobilisation. Mais le plus important réside sans doute dans le fait que la délibération au sein du comité de direction a pu s’appuyer sur des données, et plus seulement sur des impressions personnelles, des intuitions, ainsi que sur des éclairages issues des sciences cognitives et humaines. Ces deux apports ont rendu possible une approche plus expérimentale des problèmes rencontrés, une approche qui laisse place au suivi et à l’évaluation des actions qui seront entreprises. 

Par Dr Éric Lemaire